
Nous sommes 30 % à l’avoir contractée et elle provoque 90 % des cancers de l’estomac… Helicobacter pylori, une bactérie digestive contractée le plus souvent pendant l’enfance, pourrait être la cause de plus de 15,6 millions de nouveaux cas de cancers gastriques d’ici 2040. C’est ce que révèlent un groupement d’experts, dans une étude publiée dans Nature Medicine en juillet 2025. Longtemps négligée, cette infection silencieuse représente aujourd’hui une menace majeure pour la santé publique mondiale, et en particulier chez les jeunes, nés entre 2008 et 2017.
L’étude pointe du doigt une répartition géographique très inégale de la maladie. L’Asie, où les taux d’infection sont historiquement élevés, concentre à elle seule près des deux tiers des cas futurs de cancers liés à la bactérie. Mais l’inquiétude grandit aussi en Afrique subsaharienne et en Amérique latine, où l’infection progresse rapidement, en raison de changements démographiques. Mais même chez nous, et dans les autres pays occidentaux, où la prévalence a diminué, des cas persistent chez les populations les plus vulnérables.
Les chercheurs sonnent ainsi la sonnette d’alarme : sans changement, le monde pourrait faire face à une épidémie de cancers de l’estomac dans les années à venir. Une épidémie pourtant évitable !
Une bactérie redoutable et discrète
Mais qu'est ce que Helicobacter pylori ? Cette bactérie s'installe dans la muqueuse de l’estomac. Elle est capable de survivre dans un environnement très acide grâce à des mécanismes d’adaptation uniques : une fois présente dans notre organisme, elle peut donc y rester à vie.. Surtout si elle n’est pas traitée.
Toutes les souches ne sont pas égales : certaines sont plus virulentes et associées à des formes graves de maladies. H. pylori est ainsi à l’origine de nombreuses affections digestives, parmi lesquelles le cancer de l’estomac, mais également :
- La gastrite chronique,
- L’ulcère gastro-duodénal,
- Le risque de perforation gastrique,
- Le lymphome MALT,
- La dyspepsie fonctionnelle
La transmission de la bactérie se fait principalement par contact avec la salive, les vomissures ou les selles, mais aussi par la consommation d’eau ou d’aliments contaminés. Les facteurs de risque sont donc étroitement liés aux conditions de vie : le manque d’accès à l’eau potable, la promiscuité ou le faible niveau d’hygiène augmentent la transmission.
Dans de nombreux cas, l’infection reste asymptomatique pendant des années. Mais même lorsque les symptômes apparaissent peuvent être peu spécifiques : douleurs abdominales, nausées, ballonnements, éructations, perte d’appétit ou de poids. Ce qui rend la détection précoce particulièrement difficile…
Prévenir plutôt que guérir ?
Alors, comment limiter ces risques ? Certaines habitudes et conditions aggravent les effets de la bactérie, comme le tabac, l'alcool, la sédentarité ou le surpoids. Il existe également des prédispositions génétiques. La bonne nouvelle ? L’infection est curable, généralement grâce à une association d’antibiotiques et d’inhibiteurs de la pompe à protons.
Mais les chercheurs le rappellent : la clé réside dans la prévention ! L’étude de Nature Medicine estime qu’un dépistage précoce et un traitement ciblé chez les enfants et jeunes adultes permettraient de réduire jusqu’à 75 % des cas futurs de cancers gastriques. Cela implique de mettre en place des programmes de dépistage systématiques, en particulier dans les régions à forte prévalence…
L’enjeu, selon les scientifiques ? Faire de la lutte contre Helicobacter pylori une priorité de santé publique, au même titre que les grandes campagnes de vaccination ou de prévention du cancer, pour éviter des millions de morts prématurées.