Charlatans de la sante : comment les reperer et eviter leurs pieges

Le 22 juillet dernier, Francis Lalanne s'est dévoilé sur la chaîne YouTube de Jordan De Luxe, un animateur TV. Le chanteur affirme avoir eu « un gros problème de santé aujourd’hui réglé ». Durant l’entretien, il exprime avoir été traité de manière non-agressive. « Je n’ai pas fait de traitements traditionnels qui souvent sont à l’origine de réaction physique. Je me suis soigné autrement » affirme-t-il. « Je n’ai pas le droit d’en parler parce que ce sont des choses qui ne sont pas forcément autorisées dans notre pays », ajoute-t-il.

Selon le dernier rapport de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), publié en mars 2025, ce genre de discours est en hausse, parfois au péril de la vie du patient. C'est ce qu’exprime Sylvie, 63 ans, dans un communiqué de France Asso Santé, publié le 24 juillet. Elle raconte avoir vu son amie refuser la chimiothérapie pour un cancer du sein après un stage de jeûne avec des naturopathes. Progressivement, celle-ci abandonne tout suivi médical, se nourrit uniquement de jus de fruits et de légumes, consulte à distance une figure controversée de la naturopathie… et finit par décéder dans des conditions atroces. « Sa fin de vie a été atroce et je n’ai rien pu faire », témoigne Sylvie, qui a ensuite alerté la Miviludes.

Le phénomène est loin d’être isolé. En 2024, 4 570 signalements ont été enregistrés par la Miviludes. Le domaine de la santé et du bien-être arrive en tête, devant les cultes. Quatre contextes concentrent la majorité des dérives : les traitements alternatifs du cancer, les stages de jeûne, les troubles de santé mentale et les maladies chroniques.

Pourquoi une telle emprise ? La Miviludes identifie plusieurs facteurs : désinformation en ligne, défiance envers la médecine conventionnelle, recherche d’écoute et de solutions perçues comme « naturelles ». « L’ampleur nouvelle de la croyance en ces méthodes résulte de plusieurs phénomènes qui se sont cumulés », indique le rapport : rejet des vaccins, isolement pendant les confinements, mais aussi insatisfaction face aux soins classiques. Dans l’oncologie notamment, la relation patient-soignant est parfois défaillante. « Je me souviens par exemple d’une patiente à qui l’on a annoncé son cancer sur un répondeur », déplore Aliya Javer, de la Ligue contre le cancer dans le communiqué de France Aso Santé.

« Psy tout court, ce n’est pas suffisant ! Il faut savoir quelle formation et diplôme il y a derrière »

Face à cette détresse, certains pseudo-thérapeutes se présentent comme une alternative douce, humaine, rassurante. Mais en réalité, leurs pratiques n’ont aucun fondement scientifique. Reiki, magnétisme, lithothérapie, crudivorisme ou compléments miracles sont autant de fausses promesses.

Un flou entretenu autour des titres et des lieux d’exercice

Les charlatans savent brouiller les pistes. Dans le domaine de la santé mentale, les intitulés sont volontairement ambigus. « Psy tout court, ce n’est pas suffisant ! Il faut savoir quelle formation et diplôme il y a derrière », alerte sur France Asso Santé, Emmanuelle Rémond, présidente de l’Unafam. Un « psychopraticien » n’est ni psychologue ni psychiatre. Ce terme, non réglementé, regroupe des praticiens aux parcours variés et souvent non validés scientifiquement. 

Autre tactique : imiter les professionnels de santé. Le rapport de la Miviludes souligne que certains installent leurs cabinets dans des maisons médicales désertées, utilisent des plaques professionnelles et partagent salles d’attente et numéros de téléphone avec de vrais soignants. « C’est problématique sur le plan déontologique », souligne le Dr Pierre de Brémond d’Ars, président de l’association No Fake Med. « Les ARS et les CDOM sont censés surveiller cela, mais dans les faits, tant qu’il n’y a pas de plaintes, il n’y a pas de contrôle. »

Autre inquiétude, même les hôpitaux ne sont pas épargnés. Certains services proposent à leurs patients des séances de reiki ou de bols tibétains sans mise en garde. « En tant qu’usager du système de santé, vous êtes à des années-lumière d’imaginer qu’il y a un risque », explique Samir Khalfaoui, conseiller santé à la Miviludes. Pire : certains pseudo-thérapeutes s’infiltrent auprès des soignants eux-mêmes, via des stages de « gestion du stress » proposés dans les établissements de santé.

Internet, un terreau fertile pour la désinformation

Après leur éviction de Doctolib en 2023, plusieurs naturopathes sont réapparus sur d’autres plateformes : Médoucine, Resalib, Therapeutes, parfois sous des noms trompeurs comme « coach en nutrition » ou « spécialiste en mémoire cellulaire ».

Impossible de publier une liste officielle des pratiques douteuses, car celles-ci changent d’appellation en permanence. « Les thérapeutes qui s’inspirent de la médecine germanique du Dr Hamer ont tendance à changer d’appellation pour échapper aux radars », précise Samir Khalfaoui. Toutefois, la Miviludes et No Fake Med identifient plusieurs signaux d’alerte dont voici un diaporama.

Origine de la maladie

1/7
Charlatans de la santé : comment les repérer et éviter leurs pièges

Il faut se méfier si un non-professionnel de santé commence à essayer de vous expliquer les origines de votre maladie. La maladie la plus courante : le cancer.

Il est le seul à avoir la solution

2/7
Charlatans de la santé : comment les repérer et éviter leurs pièges

Attention, s’il estime être le seul à avoir la solution concernant votre santé, dit avoir une solution « miracle », et vous propose un « reset » de votre passé.

Des mots qui doivent alerter

3/7
Charlatans de la santé : comment les repérer et éviter leurs pièges

Méfiez-vous si dans le discours reviennent des termes comme « magnétique », « quantique », « vibratoire », « reconnexion », « énergétique », « décodage », « mémoire cellulaire ».

Ne jamais arrêter ses traitements sans l’avis du médecin qui les a prescrits

4/7
Charlatans de la santé : comment les repérer et éviter leurs pièges

Cette phrase doit vous mettre la puce à l’oreille : s’il vous conseille d’arrêter votre traitement médicamenteux sans en parler à votre médecin et/ou de changer radicalement votre alimentation et vos habitudes d’hygiène de vie.

Atteinte à l’intimité

5/7
Charlatans de la santé : comment les repérer et éviter leurs pièges

Méfiance si des gestes portent atteinte à votre intimité (palpations des seins, pénétrations avec le doigt...).

Une séance gratuite

6/7
Charlatans de la santé : comment les repérer et éviter leurs pièges

Les soignants ne proposent pas de séances gratuites. Si c’est le cas, il faut fuir. Attention aussi si les tarifs augmentent sans cesse parce qu’on vous demande de payer des stages, des DVD ou des compléments alimentaires…

Que faire face à un proche sous emprise ?

7/7
Charlatans de la santé : comment les repérer et éviter leurs pièges

Le repli sur soi, les changements alimentaires radicaux ou un discours mystique doivent alerter. « Nous recommandons de maintenir à tout prix le dialogue avec la personne », insiste le Dr de Brémond d’Ars dans le communiqué. Dans certains cas, « mieux vaut se dire que plaie d’argent n’est pas mortelle, alors qu’abandonner ses traitements dans le cas d’un cancer peut l’être ».

Partager :