
On les attend comme une délivrance. Les vacances d’été, synonymes de repos, de soleil et de liberté, sont censées nous réparer. Pourtant, chaque année, de nombreuses personnes vivent l’exact inverse : une fatigue extrême qui surgit dès les premiers jours, un moral en chute libre, des insomnies, une irritabilité inexplicable. C’est ce que les psychologues appellent une décompensation post-stress, c’est, en fait, une forme de mini burn-out.
Avant de partir, la pression explose
Les semaines qui précèdent les congés sont souvent les plus intenses de l’année. On veut finir tous les dossiers, rendre des comptes, répondre à chaque mail, préparer le départ, s’occuper de la famille. Tout cela crée une tension chronique, entretenue par l’adrénaline. « Le corps est en surrégime », explique la psychologue clinicienne Marie Pezé. « Et lorsque la pression retombe, tout peut lâcher d’un coup. »
C’est un phénomène connu en psychologie : dès que l’on relâche l’effort, le corps exprime ce qu’il a retenu. Fièvre, maux de tête, troubles du sommeil ou crises d’angoisse peuvent apparaître dès les premiers jours. Le psychologue Ad Vingerhoets parle de « maladie des loisirs » : un syndrome qui touche les personnes très investies dans leur travail et qui, une fois au repos, deviennent plus vulnérables. On tombe malade, non pas parce que les vacances sont mauvaises, mais parce qu’on les a attendues trop longtemps pour s’autoriser à ralentir.
Le perfectionnisme, cet ennemi du repos
Même en vacances, beaucoup restent dans une logique de performance : il faut « réussir » son été, tout prévoir, tout rentabiliser. Cette pression invisible est alimentée par le perfectionnisme, ce besoin de tout contrôler, même les moments censés être relaxants. Le problème ? « Plus vous cherchez à bien faire, plus vous vous éloignez du lâcher-prise », explique Christophe Nguyen, psychologue du travail, dans un article de France Info.
Et contrairement à ce que l’on croit, une ou deux semaines de congés ne suffisent pas à réparer un état d’épuisement profond. Une étude publiée par l’American Psychological Association montre que les effets positifs des vacances s’estompent en quelques jours, et que le niveau de stress revient souvent à son état initial sous deux semaines. Sans un réel rééquilibrage entre effort et récupération dans le quotidien, les congés ne sont qu’un pansement temporaire.
Il est aussi essentiel de repenser notre rapport à la préparation : au lieu de cocher frénétiquement des listes, poser des limites. Partir sans tout contrôler n’est pas une faute, c’est un choix de santé.
Se préparer autrement pour ne pas s’effondrer en arrivant
Pour éviter que les vacances ne deviennent une décompensation déguisée, il faut commencer à ralentir avant même le départ. Cela passe par une diminution progressive de la charge mentale : alléger l’agenda la semaine précédente, réduire la cadence, accepter de ne pas tout finir, de ne pas tout planifier.
Il est aussi essentiel de repenser notre rapport à la préparation : au lieu de cocher frénétiquement des listes, poser des limites. Partir sans tout contrôler n’est pas une faute, c’est un choix de santé. De même, prévenir ses proches que l’on aura besoin de calme ou de solitude n’est pas de l’égoïsme, mais un besoin légitime.
Autre levier crucial : organiser une coupure numérique. Désactiver les notifications, mettre en place un message d’absence clair, et renoncer à consulter ses mails professionnels en cachette sont des gestes simples qui permettent une vraie rupture psychique. Le simple fait de savoir que « personne n’attend une réponse » libère une énergie énorme.
Enfin, il est recommandé de prévoir un sas de retour : reprendre le travail le lendemain du retour de vacances est brutal. Se réserver une journée de transition, sans rendez-vous, permet de se réajuster doucement, sans violence.
Lâcher prise : ce n’est pas abandonner, c’est se préserver
Lâcher prise ne signifie pas fuir ses responsabilités ou se désengager. C’est accepter de ne pas tout maîtriser, reconnaître ses limites, et s’autoriser à ralentir. Cela peut passer par de petites choses : ne rien prévoir pour une journée, laisser le téléphone de côté, faire une sieste sans culpabiliser. C’est aussi écouter son corps : s’il réclame du repos, ce n’est pas une faiblesse. C’est un signal vital.
Et si, au lieu de viser des vacances parfaites, on cherchait simplement à vivre des vacances « assez bonnes » ? Pas remplies à ras bord, mais respectueuses de notre rythme. Pas Instagrammables, mais réparatrices. Parce que le vrai luxe, aujourd’hui, ce n’est pas d’en faire plus, c’est d’oser ralentir. Et de comprendre que notre bien-être ne se joue pas seulement sur deux semaines d’été, mais dans la façon dont on construit son équilibre toute l’année.