Et si une simple injection permettait de soigner cancers et maladies auto-immunes ?Image d'illustrationIstock

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Une seule injection, sans hôpital, sans machines lourdes, sans mois d’attente. Juste une seringue pour apprendre à nos propres cellules à chasser le cancer ou calmer une maladie auto-immune. Cela peut sembler de la science-fiction, mais c’est le pari d’une équipe de chercheurs américains qui viennent de publier une avancée majeure dans la revue Science, le 19 juin 2025.

Depuis quelques années, les thérapies dites CAR‑T ont révolutionné le traitement de certains cancers. Le principe : on prélève les cellules immunitaires du nom de lymphocytes T d’un patient, on les modifie en laboratoire pour qu’elles portent une sorte de GPS moléculaire (le CAR) capable de reconnaître et tuer les cellules cancéreuses, puis on les réinjecte. Efficace, mais coûteux et lourd : il faut un centre spécialisé, une logistique complexe, et des traitements de préparation lourds. Résultat : peu de patients y ont accès.

C’est là qu’intervient l’idée de l’équipe dirigée par le professeur Carl June de l’université de Pennsylvanie. Leur solution ? Faire la même chose, mais directement dans le corps. Fini le détour par l’usine à cellules : grâce à des nanoparticules très ciblées (tLNP), ils envoient un message génétique (un ARN messager) qui ordonne aux cellules T de fabriquer elles-mêmes le fameux GPS anti-cancer. En clair, votre système immunitaire devient son propre laboratoire.

Mais pourquoi parler de maladies auto-immunes ?

L’idée va bien plus loin que le cancer. Dans une maladie auto-immune, c’est le système immunitaire qui se retourne contre vous. Des chercheurs imaginent déjà qu’on pourrait, en modifiant un peu cette technologie, apprendre à ces cellules à « désactiver » les parties trop agressives du système immunitaire, ou même à cibler uniquement les cellules malades et épargner le reste.

Dans l’étude, les chercheurs ont testé cette technique sur des souris humanisées, puis sur des singes. Résultat : après une simple injection, les cellules T se transforment en tueuses de cellules B (souvent impliquées dans les cancers et certaines maladies auto-immunes). Chez les singes, une seule dose a suffi pour éliminer quasi toutes les cellules B, qui ont repoussé après quelques semaines, mais sous forme plus « neuve », comme si le système immunitaire avait été remis à zéro.

Une approche plus douce et réversible

Contrairement aux traitements classiques, ici l’ARN messager s’élimine naturellement. Cela évite de modifier définitivement le génome. Les effets sont puissants mais temporaires : si tout se passe bien, on pourrait imaginer un système où l’on ajuste la dose et la durée d’action selon la maladie. Moins de risques de surmédication, moins d’effets secondaires permanents.

Des risques, bien sûr, mais une vraie promesse

Comme pour toute thérapie, il y a des effets indésirables : un des singes a développé une inflammation sévère. C’est un effet secondaire connu des CAR‑T. Mais la différence ici, c’est la simplicité : si cette technologie passe les essais cliniques, on pourrait la rendre accessible à bien plus de patients, dans des hôpitaux moins spécialisés, voire dans des pays où la thérapie CAR‑T classique est inabordable.

Une seule injection pour rééduquer l’immunité

Aujourd’hui, le projet entre en phase de test chez l’humain. Pour l’instant, les chercheurs visent encore le cancer, mais déjà d’autres équipes rêvent d’adapter ces « CAR‑T maison » pour calmer un système immunitaire trop actif ou guider des défenses naturelles vers d’autres cibles : virus, cellules malades, greffes.

En quelques années, cette approche pourrait changer la prise en charge de nombreuses pathologies : rendre la thérapie cellulaire aussi simple qu’un vaccin. Une piqûre aujourd’hui, un système immunitaire rééduqué demain. Science-fiction ? Peut-être plus pour très longtemps.