Le corps humain peut-il vraiment prendre feu instantanément sans raison ?Image d'illustrationIstock

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Cette histoire est digne d’un film de science-fiction. En décembre 2010, un fait divers a ravivé une peur ancienne : celle de la combustion spontanée. Michael Faherty, 76 ans, a été retrouvé mort chez lui en Irlande, le corps entièrement calciné. Autour de lui, pourtant, presque aucun dégât : la cheminée était allumée, mais rien ne laissait penser à un incendie normal. Faute de meilleure piste, le médecin légiste a conclu à une mort par « combustion spontanée ».

Un tel verdict a de quoi surprendre aujourd’hui, mais ce n’est pas la première fois que l’idée circule. Entre le XVIIe et le XIXe siècle, l’Europe a vu fleurir une multitude de récits semblables : on parle d’une douzaine de cas avérés, voire de deux cents selon certaines sources. Les histoires suivent souvent le même scénario : une personne âgée, souvent une femme corpulente, réputée pour boire un peu trop, est retrouvée réduite en cendres. Autour du corps, rien ou presque n’a brûlé.

À l’époque, ces drames macabres faisaient le bonheur de la presse. « Les récits de combustion spontanée étaient traités comme des curiosités sensationnelles qui fonctionnaient comme des pièges à clics à l’époque des Lumières », explique à Popular Science, Michael Lynn, historien à l’université Purdue Northwest. Ces histoires mêlaient frissons, morale et crainte des dérives de la modernité. Mais peut-on vraiment s’enflammer tout seul ?

Une réalité pour certains matériaux, pas pour nous

Sur le plan scientifique, la combustion spontanée existe bel et bien… mais pas pour les humains. Certains matériaux peuvent s’auto-enflammer : le foin humide, le compost, le phosphore, par exemple. Des réactions chimiques internes libèrent de la chaleur jusqu’à déclencher un incendie, même sans flamme extérieure. Mais notre corps, lui, ne s’enflamme pas si facilement.

« Cela n'a jamais été observé », souligne à Popular Science, Roger Byard, médecin légiste et professeur émérite à l’université d’Adélaïde. Et d’ajouter, non sans ironie : « Si les gens pouvaient s'enflammer spontanément, vous seriez chez Walmart (une chaîne américaine de grande distribution, NDLR) et soudain, la petite vieille dame à côté de vous, poussant un chariot, exploserait. »

Autre détail qui tue l’hypothèse surnaturelle : aucune espèce animale n’a jamais connu de combustion spontanée. Certes, des baleines échouées « explosent » parfois sur les plages, mais il s’agit là d’une libération de gaz de putréfaction, sans feu ni flammes.

Depuis des siècles, on a pourtant tenté d’expliquer le phénomène par mille théories : foudre, électricité statique, gaz intestinaux, phosphates mystérieux… Plus récemment, certains ont avancé que la cétose, un état métabolique produisant de l’acétone, pourrait rendre le corps plus inflammable. Mais aucune piste n’a tenu face aux analyses modernes.

La piste la plus crédible : l’effet mèche

Si l’idée de s’enflammer d’un coup est improbable, un scénario bien plus concret peut expliquer ces morts étranges : « Ces personnes sont essentiellement des bougies humaines », résume au média britannique, le professeur Byard. C’est le fameux “effet mèche”. Le principe est simple : une source de chaleur telle qu’une cigarette, ou une braise de cheminée enflamme un vêtement ou une couverture imbibée d’alcool. La graisse du corps alimente alors la combustion comme la cire d’une chandelle. La flamme reste localisée, brûle lentement, sans embraser la pièce entière.

En 1998, une équipe de la BBC a reproduit ce phénomène glaçant : en enflammant une carcasse de porc enveloppée dans une couverture, le scientifique John DeHaan a observé que le feu pouvait consumer la chair et même les os, tout en laissant les extrémités moins grasses presque intactes. L’expérience reproduisait parfaitement les scènes décrites dans les vieux récits de « combustion spontanée ».