
La peur s’est lue dans le regard des Marseillais ce mardi 8 juillet. Aux alentours de 11 heures, un incendie s’est déclaré aux abords de la ville et a très vite envahi le nord de la cité phocéenne. Le ciel, habituellement bleu, a rapidement disparu sous une épaisse fumée toxique. Des émanations qui ne sont pas sans conséquences sur les voies respiratoires et les yeux. « Je travaille dans le quartier du Panier, au centre-ville, et l’air y était irrespirable, ça sentait le brûlé jusque dans les bâtiments ! », témoigne Roxanne, jeune Marseillaise de 28 ans. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), ces brasiers libèrent d’importants polluants dans l’air.
Les feux de forêt sont composés de différents éléments qui s’avèrent toxiques, tels que le dioxyde de carbone ou encore le cyanure. Tous sont nocifs pour la santé, mais certains inquiètent d’autant plus. C’est le cas des particules fines. « Ces molécules s’immiscent en profondeur dans l’arbre respiratoire et peuvent provoquer une toux, un essoufflement et un écoulement nasal », explique le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l’association santé respiratoire France.
Yeux irrités et cornées menacées : un risque à ne pas négliger
Les yeux sont également particulièrement exposés. « Certains composants sont très irritants. Vous pouvez avoir des irritations ou des rougeurs oculaires, voire des larmoiements qui s’accompagnent souvent d’une gêne et d’une douleur plus ou moins importante », ajoute le Dr Mehdi Cherif, ophtalmologue et fondateur du Groupe Ophtamaine.
En-dehors de ces deux fonctions indispensables que sont la respiration et la vue, des études ont démontré que tout le système cardiovasculaire peut être endommagé. « Les autres parties du corps peuvent aussi être affectées, comme le cœur. Puisque votre corps doit travailler plus difficilement pour respirer, cela peut aussi mettre la pression sur cet organe vital, précise le Dr Afif El-Hasan auprès de Reuters. Et c’est pourquoi vous voyez une hausse des infarctus du myocarde lorsque la pollution de l’air est importante, ou lorsqu’il y a beaucoup de particules dans l’air, notamment lors de feux de forêt. »
Personnes vulnérables : qui est le plus exposé ?
Les personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques sont particulièrement exposées à ces risques. Et elles sont nombreuses en France. Asthme, BPCO, allergies : environ 10 millions d'individus sont concernées. « Pour cette population, les fumées peuvent accentuer les symptômes de leurs pathologies », précise le Dr Le Guillou.
Mais attention, il ne suffit pas d’être en mauvaise santé pour être en danger. Les enfants, les seniors ou les femmes enceintes doivent également rester vigilants. « L’arbre bronchique n’est mature qu’à partir de 20 ans, donc tout ce qui peut interférer avec son développement peut favoriser l’émergence de maladies. À partir de 65 ans, le système immunitaire diminue et les bronches se fragilisent. Quant à la grossesse, le fœtus reçoit tout ce que la mère peut inhaler », rappelle le Dr Le Guillou.
Les bons réflexes à adopter en cas d’exposition
Dans ce genre de situation, il est important de garder son calme et de ne pas emboliser les services d’urgences. « Si vous êtes à quelques mètres du feu, vous pouvez abîmer votre cornée. Il est donc primordial de protéger le visage avec une serviettes humides et de garder vos lunettes si vous en avez », conseille le Dr Mehdi Cherif.
Mais à distance, les irritations sont moins importantes. « Tout d'abord, il est recommandé de ne pas se frotter les yeux même en cas d'irritation. Cela risquerait d'aggraver la situation. Ensuite, laver vous les mains avec de l'eau et du savon. Lorsque celles-ci sont propre, rincer vos yeux au sérum physiologique afin d'éliminer les particules », ajoute le spécialiste. « En cas de rougeurs et de douleurs importantes qui empêchent l’ouverture des yeux, il faut consulter rapidement un ophtalmologue. »
Les patients qui ont déjà des maladies respiratoires se connaissent bien et reconnaissent rapidement les signes de gravité. « Leur médecin peut leur faire un plan d’action ou d’accompagnement thérapeutique pour, d’une part, éviter de saturer le système de santé et, d’autre part, rendre le patient le plus autonome possible », ajoute le Dr Le Guillou.
Pour le reste de la population, il est important de rester vigilant face aux annonces faites par les pouvoirs publics. « Il est conseillé de se soustraire de l’ambiance enfumée, de s’isoler, de fermer les fenêtres, de ne pas faire d’activité physique qui accentue l’inhalation de particules fines et de limiter les sorties ou de porter un masque chirurgical si ce n’est pas possible », indique le pneumologue.
Un risque appelé à s’intensifier avec la multiplication des incendies
Pour savoir si l’air est de bonne qualité, des sites comme Atmo France, Airparif (spécifique à la ville de Paris) ou encore Recosanté donnent des informations sur la qualité de l’air à un moment précis. Alors que les feux de forêts ne laissent plus aucun territoire en sécurité, ces navigateurs risquent bien de voir leur fréquentation augmenter dans les années à venir.
Interview avec le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l'association santé respiratoire France
Interview avec le Dr Mehdi Cherif, ophtalmologue, fondateur du groupe OphtaMaine