
Les fraises de votre enfance étaient-elles meilleures que celles d’aujourd’hui ? Ce n’est pas qu’un souvenir nostalgique. Depuis les années 1950, les fruits, légumes et céréales que nous consommons contiennent moins de nutriments essentiels. C’est du moins ce qu'évoquent plusieurs études scientifiques. Un constat inquiétant, alors même qu’on nous encourage à adopter une alimentation plus végétale.
Selon une étude majeure menée par l’université du Texas à Austin en 2004, et basée sur les données du Département de l’Agriculture des États-Unis, quarante-trois cultures maraîchères ont vu leur teneur en protéines, calcium, fer, phosphore, vitamine B2 et vitamine C baisser entre 1950 et 1999. Par exemple, le fer a chuté dans les concombres, les blettes et les feuilles de navet. Le calcium a fortement diminué dans le brocoli et le kale, et la vitamine C dans les asperges ou les feuilles de moutarde.
L’agriculture moderne en cause ?
« Ce que nos grands-parents mangeaient était plus sain que ce que nous mangeons aujourd’hui », résume sur National Geographic, la Dre Kristie Ebi, experte en santé environnementale à l’université de Washington.
Les causes de ce déclin ? L’agriculture moderne. Pour produire plus et plus vite, les plantes sont poussées à croître rapidement, mais leur capacité à puiser les nutriments dans le sol ne suit pas. Résultat : une « dilution nutritionnelle » dans des légumes et fruits plus gros, mais moins riches. Le sol, surexploité, perd aussi de sa richesse naturelle, en particulier les champignons mycorhiziens, qui aident les plantes à absorber les minéraux.
« En apprenant à faire pousser des plantes plus grandes et plus vite, celles-ci ne sont pas en mesure de suivre le rythme d’absorption des nutriments », explique au National Geographic, Donald Davis, chercheur et chimiste en nutrition à la retraite et auteur principal de l’étude de 2004.
« Il est important de relativiser ces baisses et de ne pas laisser cette nouvelle vous dissuader de manger une variété de fruits, de légumes et de céréales complètes pour prendre soin de votre santé »
À cela s’ajoute un facteur climatique : l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Ce gaz stimule la croissance végétale… mais surtout des glucides. En parallèle, les plantes aspirent moins d’eau, ce qui limite l’absorption de minéraux présents dans le sol. Résultat : moins de protéines, de fer ou de zinc dans des aliments de base comme le riz, le blé ou les pommes de terre. Une étude parue en 2018 dans Science Advances a confirmé cette tendance sur 18 variétés de riz.
Ce phénomène ne concerne pas que les végétaux. Les animaux nourris avec des plantes appauvries en nutriments produisent eux aussi des viandes moins riches.
« Selon les experts, il est important de relativiser ces baisses et de ne pas laisser cette nouvelle vous dissuader de manger une variété de fruits, de légumes et de céréales complètes pour prendre soin de votre santé. Ils espèrent toutefois que ces résultats inciteront davantage de personnes à s’intéresser à la façon dont leurs aliments sont cultivés », précise National Geographic.
Diversifier les aliments
Alors que faire ? Les scientifiques insistent : il ne faut pas renoncer aux fruits et légumes. « Nous ne parlons pas ici d’une baisse de 50 % de la densité nutritionnelle », rassure sur le média américain, la Dre Kristi Crowe-White, professeure associée de nutrition à l’université d’Alabama et experte membre de l’Institute of Food Technologists.
La clé réside dans la variété : multiplier les couleurs, les familles végétales, les céréales complètes. Cela permet de corriger naturellement certaines pertes. « En mangeant une variété de fruits et de légumes, vous compenserez certaines de ces pertes de nutriments », dit-elle.
Manger local
Mais sur le long terme, c’est du côté de l’agriculture que des solutions émergent. L’agriculture régénératrice, par exemple, vise à restaurer les sols : moins de labour, plus de rotation des cultures et de plantes de couverture. Une étude de 2022 montre que ces pratiques augmentent non seulement la santé du sol, mais aussi les taux de vitamines, minéraux et composés antioxydants dans les cultures.
« Si la façon dont nos aliments sont cultivés a de l’importance, cela donne une nouvelle raison convaincante au citoyen moyen de se préoccuper des pratiques agricoles », souligne au média américain, le Dr David Montgomery, chercheur et coauteur de What Your Food Ate.
À l’échelle individuelle, manger varié, choisir des aliments de saison, privilégier des produits cultivés de manière durable, et soutenir des agricultures plus respectueuses des sols, sont déjà des gestes concrets pour préserver notre santé et celle de la planète.