

Sans elle, la race humaine aurait sûrement disparu. « La douleur est un signal d’alarme qui permet de réagir à la douleur », explique sur Medisite Mathieu Bobet, anesthésiste-réanimateur et spécialiste de la douleur chronique. Et pourtant, tout le monde n’est pas égal face à ce signal. « Nous avons des réactions, des émotions, et des comportements différents selon le contexte de la douleur », explique au National Geographic en mars 2025, Gregory Scherrer, professeur associé de biologie cellulaire et de physiologie au département de neurosciences de l’université de Caroline du Nord, à Chapel Hill. « C’est pour cela que la douleur est subjective. »
Une tolérance à la douleur différente selon les personnes expliquée par divers facteurs
Selon les scientifiques, plusieurs facteurs influencent la tolérance à la douleur. C’est le cas de la génétique, du sexe, des hormones, du temps de sommeil… En 2004, l’enquête Stopnet menée auprès de 30 155 personnes a estimé que les femmes sont surreprésentées parmi les personnes souffrant de douleurs chroniques. « Il est vrai que certaines douleurs sont spécifiques aux femmes, comme les douleurs prémenstruelles, celles liées à l’endométriose ou aux vulvodynies. Il existe aussi des douleurs communes aux deux sexes, mais pour lesquelles on note une prépondérance chez les femmes : c’est par exemple le cas de la fibromyalgie, qui touche 1,6 % de la population française », explique, dans un communiqué de l’Inserm, Gisèle Pickering, pharmacologue spécialiste de la douleur à Clermont-Ferrand.
« Si la douleur n’était pas dérangeante, nous prendrions moins bien soin de nos corps »
Cette théorie manque néanmoins de données plus approfondies pour pouvoir l’affirmer. « La réalité, c’est que nous sommes encore loin de comprendre les mécanismes sous-jacents de cette sensibilité différente en fonction du sexe, résume Gisèle Pickering. Bien que l’on sache que les femmes sont plus sensibles à la douleur que les hommes, et ce quelles qu’en soient les causes, nous rencontrons un problème : les études menées jusqu’ici sur le sujet présentent des méthodologies difficilement comparables. »
En plus des hormones et de la génétique, d’autres recherches démontrent un seuil de tolérance qui augmente avec l’âge. Cela serait dû au fait que les jeunes, souvent poussés par la curiosité, ont moins d’expériences négatives auxquelles se référer, explique Gregory Scherrer. « Si la douleur n’était pas dérangeante, nous prendrions moins bien soin de nos corps », dit-il. « Nous ferions des choses folles et ne vivrions pas longtemps. »
Douleur aiguë et douleur chronique
Il existe deux types de douleurs : aiguë et chronique. « La première agit comme une alarme qui permet au corps de se préparer à un danger. Elle est vitale pour la survie de l’espèce humaine. Elle est vive, réversible et facile à prendre en charge », explique le Dr Mathieu Bobet, médecin anesthésiste spécialisé dans la prise en charge de la douleur chronique.
La seconde est, quant à elle, plus sournoise et difficile à traiter. « On parle de douleur chronique lorsqu’elle dure plus de 3 à 6 mois. Cette souffrance reste lorsque la cause principale a disparu. Elle est inutile et ne joue plus son rôle d’alarme. Ce type de douleur est considéré comme une maladie qui doit être prise en charge », indique le Dr Mathieu Bobet.
Mais que se passe-t-il dans notre cerveau quand celle-ci apparaît ? Comment fonctionne-t-elle ? La douleur répond à un stimulus physique, chimique ou thermique. « Ce stimulus va alors envoyer une information au cerveau depuis les récepteurs de la douleur, appelés nocicepteurs », indique le médecin anesthésiste. Ils sont localisés sur la peau, les muscles, les articulations et les viscères.
Comment calmer la douleur ?
Depuis plusieurs années, plusieurs formations ont vu le jour pour former les professionnels de santé à la prise en charge de la douleur. Nombreuses d'entre elles sont aujourd’hui bien documentées. Voici un diaporama de sept exercices faciles et accessibles à tous.
Yoga

Aujourd’hui, il n’y a plus de doute : bouger permet de diminuer certaines douleurs. Dans le cadre des douleurs chroniques, des études ont découvert que les mouvements, comme ceux pratiqués lors de séances de yoga, seraient des moyens efficaces de prévenir et de traiter des conditions telles que la migraine ou les douleurs dans le bas du dos.
Méditation

Une étude plus ancienne publiée sur National Library of Medicine met en avant le pouvoir de la méditation sur les douleurs aiguës ou chroniques. Cette technique permet notamment une meilleure tolérance du mal sans le supprimer pour autant.
Hypnose médicale

L’hypnose peut être utile pour gérer et contrôler le niveau d’intensité de la douleur chronique, pour guider les émotions qui l’accompagnent afin d’aider le patient à retrouver une qualité de vie acceptable. « En réalité, 70 % de la prise en charge de ce type de souffrance repose sur des moyens non médicamenteux », précise sur Medisite en novembre 2024 la Dre Aurore Marcou, anesthésiste-réanimatrice spécialisée en hypnose médicale.
La nature

Selon une étude publiée dans la revue scientifique Nature Communications, le simple fait d’observer la nature peut réduire la douleur en modifiant directement les circuits cérébraux impliqués dans son traitement. « Ce n’est pas un simple effet placebo, mais bien une transformation tangible de notre perception de la douleur », précisent les auteurs dans un communiqué.
La marche

Une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet en juillet 2024 démontre que la marche serait la méthode la plus simple pour soulager les douleurs lombaires chroniques. « Si l’on considère la marche, la colonne vertébrale est soumise à une charge très agréable, répétitive mais assez faible, et nous savons que c’est très bon pour les tissus », explique Mark Hancock, chercheur à l’université Macquarie à Sydney, en Australie, et l’un des auteurs de l’étude. « Tous les tissus de notre corps réagissent à cette stimulation. Ils deviennent plus forts et plus sains. »
La musique

Bien plus qu’un simple son, la musique est aujourd’hui reconnue par les scientifiques comme un outil de médiation thérapeutique. « La mélodie ne soigne pas. Elle crée du lien social, développe des connexions cognitives et peut diminuer les effets d’une pathologie », précise au Parisien en février 2024 Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’université de Caen. « La chanson va stimuler les régions motrices, c’est pour ça que le rythme donne envie de danser. Elle permet aussi une synchronisation cardiovasculaire. Par exemple, lorsque le chant ralentit, la respiration diminue et le rythme cardiaque aussi », ajoute le scientifique.
Elle agit également sur la sécrétion d’hormones. En 2019, une équipe de chercheurs à Montréal a publié une étude démontrant comment elle active le circuit de la récompense lorsqu’une mélodie nous plaît, entraînant la sécrétion de cette fameuse hormone : la dopamine. C’est ce mécanisme qui entraîne le frisson musical.
Les étirements

Une étude publiée en septembre 2017 dans la revue scientifique Dovepress démontre que l’augmentation de la flexibilité serait liée à une augmentation de la tolérance à la douleur lors de l’étirement. Pour Alexandra, atteinte de polyarthrite rhumatoïde, ils sont devenus indispensables. « Ces exercices sont pour moi indispensables avant de me lever pour pouvoir relâcher au mieux mes articulations et ainsi éviter à la douleur de s’installer », confie-t-elle sur Medisite.