
Il y en a partout : pain, pâtes, pommes de terre, céréales : le cadmium, ce métal lourd, omniprésent dans l'environnement, est classé cancérogène certain pour l'humain depuis quelques années. Dans un communiqué publié en juillet 2020, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) alertait déjà sur les risques sanitaires d'une exposition à cette substance.
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Cancer : les signes qui doivent vous alerterUn an plus tard, Santé publique France révélait une hausse de la contamination des Français, et surtout des niveaux d’imprégnation supérieurs à ceux constatés ailleurs en Europe. Une augmentation qui ne s'est pas ralentie depuis.
Face à ce danger, des médecins libéraux de l’Union régionale des professionnels de santé ont envoyé une lettre au gouvernement le 2 juin 2025 pour alerter sur ce qu’ils estiment être une « bombe sanitaire » : « Une explosion de la contamination des jeunes enfants existe bel et bien, en rapport avec leur alimentation, en particulier les céréales, pains et dérivés, et les pommes de terre et apparentés », écrivent-ils.
Un taux dans le sang qui augmente chez les Français
Et il y a de quoi s'inquiéter. Selon les données de Santé publique France, l’imprégnation moyenne des Français adultes a quasiment doublé entre 2006 et 2016, passant de 0,29 microgramme par gramme (µg/g) à 0,57 µg/g. Pour les enfants, le taux moyen est de 0,28 µg/g, ce qui est quatre fois plus élevé qu’en Allemagne et quinze fois plus qu’au Danemark.
Il apparaît aussi indispensable « de maîtriser l’apport en cadmium par les activités agricoles, et en particulier lors de l’épandage de matières fertilisantes, dont les engrais minéraux phosphatés », alerte l'Anses dans son rapport de 2020.
Malheureusement, le cadmium est un élément très répandu dans l’environnement à l’état naturel, en raison de l’activité humaine, notamment agricole et industrielle. « Il pénètre facilement dans les végétaux par leurs racines et entre ainsi dans la chaîne alimentaire », prévient l’agence sanitaire.
Quels sont les autres aliments les plus contaminés ?
Dans une expertise de 2011, l’Anses recommandait d’agir à la source, en particulier au niveau des matières fertilisantes, en partie à l’origine de l’augmentation de la concentration dans les sols et, de surcroît, de sa teneur dans les aliments.
De son côté, le Centre de lutte contre le cancer, Léon Bérard, confirme que les aliments constituent la principale source d’exposition pour la population générale. « La population française est principalement exposée par voie orale, par l’alimentation, mais aussi par l’eau de boisson », partage l'établissement. En tête du classement des aliments les plus contaminés : le pain, les pommes de terre et les céréales et le riz.
Le centre de lutte contre le cancer mentionne aussi les végétaux à feuillage vert comme les salades, choux et épinards.
Enfin, les fumeurs sont aussi exposés à cette toxine par voie respiratoire. « L’exposition se fait sous forme de fines particules d’oxyde de cadmium, qui peuvent se déposer au niveau des alvéoles pulmonaires », ajoute le Centre. Des dépôts qui sont responsables de cancers pulmonaires.
Des risques de cancers et d’ostéoporose
Et les effets sur la santé sont nombreux : maladies rénales, atteintes osseuses de type ostéoporose, troubles de la reproduction, risque accru de cancer de la prostate et du sein, suspicion concernant le cancer du pancréas ...« Il est aussi suspecté d’entraîner des effets sur le foie, le sang et le système immunitaire », renchérit le Centre Léon Bérard.
Cadmium : le niveau à ne pas dépasser selon l’Anses
Dans ses travaux d’expertise, l’Anses propose de nouveaux seuils afin d’éviter la survenue d’effets sanitaires et de mieux protéger les consommateurs. À ce jour, la valeur toxicologique de référence (VTR) fixée par l'agence se situe à 0,35 microgramme de cadmium par kilogramme de poids corporel par jour.
« Pour un adulte de 60 ans, une concentration de 0,5 microgramme de cadmium est une concentration critique, en supposant que l’ingestion soit la seule source d’exposition au cadmium », explique l’agence.
D’autre part, elle recommande que l’apport en cadmium par les matières fertilisantes (engrais industriels ou déchets utilisés pour fertiliser le fumier) n’excède pas un flux de 2 grammes par hectare et par an.
« Ces seuils apparaissent indispensables pour réduire l’accumulation dans les sols. L’application de ces seuils permettrait d’accroître la protection des populations exposées par l’alimentation », conclut l’Anses.
Un test de dépistage pour les personnes à risque
Dans leur alerte du 2 juin dernier, les professionnels de santé libéraux ont « fait remonter l’intérêt d’un dépistage » de cette substance ciblant les patients à risque, a rappelé Yannick Neuder, interrogé à l’Assemblée nationale par la députée écologiste Sandrine Rousseau. Selon le ministère de la Santé, « les travaux sur le remboursement des tests de dépistage du cadmium pour les personnes à risque, et le cadre de ce remboursement, sont en cours avec l’objectif d’avoir défini » ce périmètre d’ici la fin 2025.
Une enquête de santé publique nommée « Albane » a été également annoncée ce mardi par les agences sanitaires françaises. Elle doit scruter la santé de la population française et leur hygiène de vie, et notamment son exposition à des substances telles que pesticides, bisphénols, phtalates et cadmium.
L’Anses fait des recommandations pour limiter l’exposition au cadmium via la consommation des algues alimentaires, Anses, 27 juillet 2020.
Exposition au cadmium : l’Anses propose des valeurs limites pour mieux protéger les consommateurs et les travailleurs, Anses, 26 septembre 2019
Cadmium et ses composés, Centre Léon Bérard, Centre de lutte contre le cancer