
À l’hôpital Jean-Jaurès, un seul mot d’ordre existe : « Ici, on ne soigne pas des maladies mais des personnes. » Ce jeudi matin 12 juin, dans le hall de ce centre de soins, situé dans une petite rue verdoyante du 19ᵉ arrondissement de Paris, Benoît Hamon, président de l’ESS France, l’association des acteurs de l’économie sociale et solidaire, est en visite dans ce lieu de soins atypique. La particularité de cet établissement : c’est un hôpital privé, mais à but non lucratif. « Ici, il n'y a pas de clientèle privée et il y a zéro reste à charge pour les patients », rappelle Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, qui a racheté l’établissement en 2008.
Ce qui distingue ce lieu de ceux privés à but lucratif, c’est son mode de gestion. Son organisation vise à sécuriser le parcours de soins des patients tout en leur offrant un accompagnement de qualité. « Contrairement aux établissements privés lucratifs, les bénéfices ne sont pas distribués aux investisseurs, mais réinvestis dans l’amélioration des conditions de travail des soignants et dans la qualité des soins », se réjouit Jean-Marc Borello.
La précarité au coeur de leur prise en charge
Alors que l’hôpital public peine à prendre en charge les patients, dans une problématique d’accès aux soins, ce modèle apparaît comme essentiel pour soutenir le système de santé. Selon la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), en 2024, les hôpitaux non lucratifs représentaient 22 % des hôpitaux en France.
Cet hôpital de 164 lits met un point d’honneur à soigner tout le monde, même les plus démunis. Spécialisé en cancérologie, en maladies infectieuses, en gériatrie et en soins palliatifs, il accueille des patients divers, atteints de pathologies graves, parfois même en fin de vie, et fréquemment en situation de grande précarité. « Ici, on voit encore des patients VIH au stade SIDA, avec des conséquences graves parce qu'ils avaient arrêté leur traitement. On a un rôle social et de santé publique très important pour accompagner ces patients après la sortie », souligne le médecin responsable de l’unité des maladies infectieuses.
Des traitements de cancérologie onéreux mais accessibles à tous
Au deuxième étage, un autre service, au cœur des valeurs du groupe : l’hématologie. Assis sur son fauteuil, dans sa chambre, Henri* regarde son programme préféré. « Il est arrivé, il ne bougeait pas du tout, c'était une momie », se souvient la Dre Aude Quentin-Gondard, cheffe de service du service SMR et de l’hôpital de jour d’hématologie. « Grâce à la rééducation, son état s'améliore. » Ce patient de 70 ans est atteint de la maladie de Guillain-Barré. « Au départ, je ne parlais plus et aujourd'hui, j'arrive à me gratter la tête », témoigne ce patient, qui sourit d’avoir toujours 20 ans.
La prise en charge des cancers est un axe important de l’hôpital, avec parfois des traitements très onéreux. C’est le cas de l’immunothérapie. « On prend les globules blancs des patients, on les transforme en médicament en laboratoire. Ça coûte très cher et ça marche très bien », précise la Dre Quentin-Gondard.
En 2024, l’hôpital a dépensé 1 million d’euros pour ces traitements, dont 300 000 à la charge du groupe SOS. « Cette année, nous sommes équilibrés, mais ce n’est pas facile. L'hôpital de jour permet d'améliorer les résultats (pas d'équipe de nuit, pas de repas à distribuer…). On a aussi des partenariats avec des associations qui nous aident », appuie Madame Galatée Cosset-Desplanques, directrice de l'hôpital.
U ne patiente partenaire accompagne les patients et les conseille
La motivation du personnel est un pilier du bon fonctionnement de l’hôpital. Et ils ne manquent pas d'idées pour améliorer le quotidien des patients. « Le Groupe dispose de professionnels capables de monter des appels à projets pour faire intervenir des services extérieurs que nous ne pourrions pas proposer autrement », se réjouit la directrice de l’établissement. C’est le cas de Béatrice. « Je suis patiente partenaire et je fais de l’éducation thérapeutique dans le but de rendre les patients autonomes le plus vite possible », raconte-t-elle. Mais Béatrice a une particularité : elle n’est pas soignante, elle ne porte pas de blouse blanche. C’est une ancienne patiente.
Cette pratique n’est pas nouvelle. Elle vient tout droit des États-Unis, au moment de la pandémie de VIH dans les années 1990. « Les bienfaits sur les patients sont incroyables. Avec Béatrice, ils arrivent à se projeter et se disent : elle nous comprend. Ce qui n’est pas le cas avec nous », explique la Dre Aude Quentin-Gondard.
De nombreux ateliers sont proposés aux patients
Pour faire oublier un peu le quotidien difficile de la maladie, les soignants organisent différentes activités. « Nous avons des projets artistiques avec la partie culture du groupe SOS. On fait aussi des ateliers autour de l’alimentation, comme le dernier en date : le chocolat », précise Béatrice. Des intervenants extérieurs sont aussi de la partie : musiciens, danseurs… Tous ont pour objectif d’embellir la journée des patients.
« L’impulsion et l'énergie qu’apporte Béatrice font vivre le service. Et même les soignants adhèrent. Ils ont l'impression que l'on fait un bon travail d'équipe », appuie Madame Galatée Cosset-Desplanques, directrice de l'hôpital.
Les médecins, eux aussi, y trouvent leur compte. "A l'hôpital Jean Jaurès, je dispose d'une qualité de vie au travail que je ne retrouvais plus à l’APHP. Cela nous permet d'être plus proche de nos patients et d'avoir un équilibre entre le monde professionnel et personnel, ce qui est primordial", confie Dre Aude Quentin-Gondard.
Une ambiance chaleureuse qui infuse auprès de chaque membre de l'équipe soignante. "Les patients nous disent parfois qu’ils ressentent cet esprit d’équipe depuis leur lit d’hôpital, et c’est ce qui me fait le plus plaisir et me motive chaque jour", ajoute-t-elle.
Un groupe présent dans neuf départements Français
En 2022, le Groupe SOS Santé comptait plus de 191 000 bénéficiaires et employait environ 2 500 personnes. L’association regroupe 11 hôpitaux dans neuf départements, deux organismes d’hospitalisation à domicile, quatre instituts de formation d’aides-soignants (IFAS), deux en soins infirmiers (IFSI), et trois services de soins à domicile.
Reportage à l'hôpital Jean Jaurès dans le 19ème arrondissement de Paris
Témoignage d'Henri (son prénom a été changé)