
Le terme "mythomanie" a été inventé en 1905 par Ernest Dupré, un psychologue, psychiatre et aliéniste français. Il désigne une personne présentant une tendance compulsive au mensonge et à la fabulation. "Un mythomane va altérer la vérité pour créer des histoires imaginaires", explique Renaud Da, psychologue. Cette pathologie peut être confondue avec d’autres maladies mentales (schizophrénie ou bipolarité).
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Schizophrénie : 8 signes qui font suspecter cette psychoseSur le plan clinique, la mythomanie est classée parmi les troubles du contrôle des impulsions ou parfois rapprochée des troubles de la personnalité, notamment histrionique, borderline, voire narcissique, selon les cas.
Le mythomane se crée un personnage
Les mythomanes sont des personnes qui ont besoin de se faire admirer pour se sentir exister. "Un besoin de valorisation narcissique qui peut cacher un manque de confiance en soi" traduit Renaud Da. Certains vont jusqu’à se créer un personnage pour se mettre en valeur auprès des autres lorsque la réalité ne colle pas avec leur fantasme.
Ce besoin compulsif est souvent lié à une blessure narcissique précoce, fréquemment ancrée dans l’enfance, comme l’absence de reconnaissance parentale, des traumatismes, ou un attachement insécurisant. Ces troubles de construction identitaire peuvent pousser le sujet à construire une vie parallèle plus valorisante.
Le cas Claude Romand
C’est l’un des cas de mythomanie les plus célèbres. Jean-Claude Romand, 49 ans sans travail, a fait croire à sa famille et ses amis qu’il était médecin, pendant des dizaines d’années. Lorsqu’il s’est rendu compte qu’il allait être démasqué, il a assassiné sa famille et ses parents avant de tenter de se suicider.
Le mythomane fait passer son image avant les autres pour qu’on l’apprécie. C’est par manque d'empathie, il n'en est pas conscient.
Il manipule l'autre
Un mythomane ment et manipule son interlocuteur mais dans un but non nuisible à autrui. Il ment pour assouvir son besoin de puissance. "La démarche est la séduction et non la destruction de l'autre" explique Renaud Da. C'est donc le contraire du pervers narcissique qui est conscient de faire du mal et se fait passer avant les autres pour les anéantir. Le mythomane fait passer son image avant les autres pour qu’on l’apprécie. C’est par manque d'empathie, il n'en est pas conscient.
Selon certains psychiatres, le mythomane n’a pas une intention malveillante explicite, mais il instrumentalise l’autre pour valider sa propre fiction, souvent sans réelle conscience de la portée émotionnelle de ses mensonges.
Il n'avoue jamais qu'il ment
Même si on lui prouve qu’il a tort, un mythomane n'avoue pas qu'il a menti. Le mensonge est compulsif chez lui. Il en a besoin pour exister, c’est pourquoi il n’arrête jamais. Comme ce sont des personnes à l'imagination débordante, ils inventent aussitôt une autre pirouette. Ils se retrouvent pris dans une spirale infernale. "Il faut imaginer qu’ils se débattent pour rester psychiquement en vie, c'est-à-dire pour mettre leur vie en adéquation avec leur fantasme de toute-puissance" précise notre psychologue.
Dans certains cas graves, on parle de pseudologia fantastica, une forme extrême de mythomanie décrite comme un mécanisme de défense inconscient contre une réalité psychique jugée insupportable. Ces personnes ne peuvent s’empêcher de mentir, même lorsqu’il n’y a aucun bénéfice apparent.
Il embellit la réalité
"Les mythomanes veulent être admirés. Ils sont focalisés sur l'image qu'ils donnent, ils ont besoin de puissance et de prestige" explique Renaud Da. Voilà pourquoi ils ont tendance à embellir la réalité.
Contrairement aux menteurs "utilitaires", le mythomane s'identifie profondément à ses récits, qui ne sont pas seulement des outils de manipulation, mais une forme d’auto-construction identitaire fictive. Ces histoires servent à combler des failles émotionnelles.
Néanmoins, des personnes non mythomanes peuvent aussi vouloir exagérer les faits en racontant une histoire. Juste pour se mettre en valeur.
On raconte souvent qu’un mythomane est une personne qui croit d’abord à ses mensonges. Mais ce n’est pas vrai. Tout d’abord parce que le mythomane est conscient qu’il ment.
Un mythomane croit-il à ses mensonges ?
On raconte souvent qu’un mythomane est une personne qui croit d’abord à ses mensonges. Mais ce n’est pas vrai. Tout d’abord parce que le mythomane est conscient qu’il ment. Si on lui prouve qu’il ment, il s’adapte à la situation et crée un autre mensonge.
Toutefois, il existe un glissement progressif entre mensonge conscient et déni partiel : certains mythomanes développent une forme de croyance atténuée ou "flottante" dans leurs propres récits, surtout lorsqu’ils sont dans des états dissociatifs.
Si la pathologie est sévère : "Il peut arriver que certains mythomanes aient une double personnalité, ils rentrent complètement dans le personnage qu'ils se sont créés. Dans ce cas, on est à la limite de la folie", souligne le psychologue.
Ces cas relèvent parfois de troubles dissociatifs de l’identité, une pathologie plus complexe, souvent liée à des traumatismes graves.
Quelle attitude adopter face à un mythomane ?
Pas facile de fréquenter une personne mythomane. Faut-il lui dire qu’on sait qu’elle ment ? Ou la laisser dans son fantasme ? "Faire comme si on est d’accord c’est prendre le risque que la situation empire, car c’est une pathologie" estime Renaud Da. Le mieux est de la convaincre de consulter... ce qui est loin d'être simple.
La prise en charge repose sur une psychothérapie, souvent de longue durée, visant à restaurer une image de soi plus réaliste. Dans certains cas, un traitement pharmacologique peut être proposé s’il existe une comorbidité (dépression, anxiété, trouble bipolaire…).
Menteur ou mythomane ?
Existe-t-il une différence entre les deux termes ? Oui ! "Ce n'est pas parce qu'une personne ment qu'elle est mythomane", indique Renaud Da, psychologue. Aujourd’hui l’expression mythomane s’est beaucoup vulgarisée. "Il est important de comprendre que la vraie mythomanie touche très peu de personnes en France et que c’est une vraie pathologie qui peut avoir de lourdes conséquences" justifie Renaud Da.
Selon les estimations, la mythomanie pathologique concerne moins de 1 % de la population, et elle reste difficile à diagnostiquer car souvent masquée par d’autres troubles psychiques ou sociaux.